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Je vous donnerai sur ce blog, des conseils de développement personnel, des explications sur l'Eveil, des astuces pour vivre de manière plus saine et plus happy! Mais aussi des vidéos sur les défis que je me lance et comment je m'organise et comment je m'entraine pour maximiser mes chances de réussir:) À travers le partage d'articles, de vidéos et d'échanges sur différents sujets pour vivre mieux! En santé et enchanté!

LIBÉRONS NOUS DE NOS COLÈRES ET CULPABILITÉS

LIBÉRONS NOUS DE NOS COLÈRES ET CULPABILITÉS
LIBÉRONS NOUS DE NOS COLÈRES ET CULPABILITÉS

Pardonner aux autres et à soi-même est un pas vers le bonheur.

S’il est une catégorie de « valises » que nous avons tendance à trimballer notre vie durant, c’est bien celle des reproches. Ceux que nous adressons aux autres… et à nous-mêmes. Que de colères, de griefs, de regrets et de remords nous ruminons en notre for intérieur, parfois pendant des années ! Apprendre à s’en libérer est une clé essentielle. Mais pardonner ou s’alléger de sa culpabilité ne va pas de soi. La première illusion à dissiper est celle de la facilité : on ne s’allège pas du poids des reproches en les effaçant d’un coup d’éponge sur son tableau noir intime, c’est-à-dire en les fuyant, mais paradoxalement en plongeant dedans.

« Dans bien des cas, avant de pouvoir pardonner, il faut réussir à accéder à sa colère, c’est-à-dire à identifier celle-ci. C’est parfois un gros travail. D’autant moins évident que, souvent, cette colère rentrée, plus ou moins confuse, nous sert inconsciemment de moteur pour avancer et nous battre. Pardonner à celui ou celle qui nous a blessé va donc nous conduire à renoncer à ce moteur. Notre inconscient le sait et peut paradoxalement bloquer le processus pour ne pas se retrouver face à un vide.

Ressentir la faute, respirer

Il est tout aussi difficile d’apprendre à s’affranchir de sa culpabilité et de retrouver la légèreté : « Il faut d’abord ressentir cette faute que l’on est censé avoir commise, avec le plus de force possible. La vivre intensément, en pleine conscience, dans son corps. On contacte alors sa propre faiblesse, sa vulnérabilité, son impuissance. Il ne s’agit pas de ressentir la faute morale, mais la faute sensorielle, la douleur physique. Exemple tout simple : mon patron me convoque à une réunion à l’heure où je suis censée retrouver mon fils. Quoi que je fasse, je me sentirai coupable. Un début de solution consiste à prendre ma respiration et à me concentrer cinq minutes sur ce que mon corps ressent. Si je ralentis un instant le mouvement et contacte mon ressenti, je m’offre la possibilité d’un choix : que dire à mon patron, ou à mon fils, pour expliquer calmement ma situation ? Cela va m’aider à dédramatiser et donc à m’alléger, alors que la précipitation n’aurait fait qu’attiser le sentiment de culpabilité. »

Y a-t-il de bonnes et de mauvaises haines ? « Une chose est sûre, on ne peut pas tout pardonner. Quand Hannah Arendt observe Eichmann à son procès, elle parvient à décrypter le mécanisme du “mal banal”, celui du petit fonctionnaire obéissant bureaucratiquement aux ordres sadiques, et cela la libère d’une énigme monstrueuse. Elle ne peut cependant pas lui pardonner. Son corps s’y refuse. Mais elle a en quelque sorte rompu le maléfice. Sa haine du bourreau lui a donné la force de le poursuivre malgré son dégoût, pour finalement résoudre cette énigme, pour notre profit à tous. »





Les nouvelles culpabilités

La plupart des religions prônent le pardon. Beaucoup jouent aussi à fond la carte de la culpabilité. Il faut admettre qu’en la matière, l’Eglise catholique a battu tous les records. Mais elles soulignent aussi que les sociétés laïques actuelles nous culpabilisent tout autant. Sur d’autres registres. « Aujourd’hui, nous nous sentons nuls si nous ne sommes pas performants, compétitifs, excellents, branchés sur toutes les nouveautés – le don d’ubiquité nous serait nécessaire ! Il faut être beau et en pleine forme en permanence. C’est étouffant. Mais la majorité d’entre nous accepte cette forme nouvelle de maltraitance. »

« Une colère contre nous-même nous habite en permanence parce que nous ne parvenons pas à ressembler à l’image que nous renvoient les médias. Si nous nous fichions un peu la paix et prenions conscience de toute l’énergie que nous dépensons pour ressembler à ces images inaccessibles que l’idéologie marchande exige de nous, nous nous porterions beaucoup mieux. Pour pardonner aux autres, il faut d’abord se pardonner à soi-même, notamment de ne pas correspondre à la soi-disant personne idéale de la publicité. C’est un pas essentiel vers le bonheur : accepter son imperfection, sa finitude, son humanité. Qui que l’on soit, il faut s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres tels qu’ils sont. »

Serons-nous alors enfin libres ? Là aussi, rien n’est simple. La détestation (de l’autre ou de soi-même) remplit une fonction. Elle nous fait agir, remplit un vide. Elle sert même à bâtir notre moi moral : « Un enfant qui ne connaîtrait jamais la culpabilité ne pourrait pas apprendre que, pour devenir humain, il y a des limites à ne pas franchir. Il grandirait dans un sentiment de toute-puissance. Les êtres qui ignorent totalement la culpabilité sont des monstres. A l’inverse, ceux qui se sentent coupables de tout les rejoignent dans la mégalomanie, puisqu’ils se sentent à l’origine de l’univers entier. Tout l’enjeu de l’éducation morale est justement de faire ressentir à l’enfant qu’il doit se sentir coupable de certaines choses – comme d’avoir poussé son petit frère par terre – mais pas de tout – par exemple, pas du fait que sa maman est triste. Et quand il est effectivement coupable, lui indiquer comment réparer sa faute (en demandant pardon au petit frère et en l’embrassant) précisément pour pouvoir s’en alléger. Il y a donc de bonnes et de mauvaises culpabilités. »

* Anne-Catherine Sabas est l’auteure de « Libérez-vous par le pardon »

(Bussière, 2012).

** Catherine Aimelet-Périssol a publié « Apprivoiser sa culpabilité »

(avec Aurore Aimelet, Albin Michel, 2013).

Libérons-nous de nos colères et culpabilités

par Patrice van Eersel , claire Steinlen

Illustration : Ward Schumaker pour CLES.

12351

Pardonner aux autres et à soi-même est un pas vers le bonheur. Deux psys nous expliquent comment cesser de ruminer.

S’il est une catégorie de « valises » que nous avons tendance à trimballer notre vie durant, c’est bien celle des reproches. Ceux que nous adressons aux autres… et à nous-mêmes. Que de colères, de griefs, de regrets et de remords nous ruminons en notre for intérieur, parfois pendant des années ! Apprendre à s’en libérer est une clé essentielle. Mais pardonner ou s’alléger de sa culpabilité ne va pas de soi. La première illusion à dissiper est celle de la facilité : on ne s’allège pas du poids des reproches en les effaçant d’un coup d’éponge sur son tableau noir intime, c’est-à-dire en les fuyant, mais paradoxalement en plongeant dedans. C’est un travail quasiment initiatique que deux psychothérapeutes, Anne-Catherine Sabas * et Catherine Aimelet-Périssol **, nous aident à mener.

« Dans bien des cas, avant de pouvoir pardonner, il faut réussir à accéder à sa colère, c’est-à-dire à identifier celle-ci, prévient Anne-Catherine Sabas. C’est parfois un gros travail. D’autant moins évident que, souvent, cette colère rentrée, plus ou moins confuse, nous sert inconsciemment de moteur pour avancer et nous battre. Pardonner à celui ou celle qui nous a blessé va donc nous conduire à renoncer à ce moteur. Notre inconscient le sait et peut paradoxalement bloquer le processus pour ne pas se retrouver face à un vide. »

Ressentir la faute, respirer

Il est tout aussi difficile d’apprendre à s’affranchir de sa culpabilité et de retrouver la légèreté : « Il faut d’abord ressentir cette faute que l’on est censé avoir commise, avec le plus de force possible, insiste Catherine Aimelet-­Périssol. La vivre intensément, en pleine conscience, dans son corps. On contacte alors sa propre faiblesse, sa vulnérabilité, son impuissance. Il ne s’agit pas de ressentir la faute morale, mais la faute sensorielle, la douleur physique. Exemple tout simple : mon patron me convoque à une réunion à l’heure où je suis censée retrouver mon fils. Quoi que je fasse, je me sentirai coupable. Un début de solution consiste à prendre ma respiration et à me concentrer cinq minutes sur ce que mon corps ressent. Si je ralentis un instant le mouvement et contacte mon ressenti, je m’offre la possibilité d’un choix : que dire à mon patron, ou à mon fils, pour expliquer calmement ma situation ? Cela va m’aider à dédramatiser et donc à m’alléger, alors que la précipitation n’aurait fait qu’attiser le sentiment de culpabilité. »

Y a-t-il de bonnes et de mauvaises haines ? « Une chose est sûre, répond Anne-Catherine Sabas, on ne peut pas tout pardonner. Quand Hannah Arendt observe Eichmann à son procès, elle parvient à décrypter le mécanisme du “mal banal”, celui du petit fonctionnaire obéissant bureaucratiquement aux ordres sadiques, et cela la libère d’une énigme monstrueuse. Elle ne peut cependant pas lui pardonner. Son corps s’y refuse. Mais elle a en quelque sorte rompu le maléfice. Sa haine du bourreau lui a donné la force de le poursuivre malgré son dégoût, pour finalement résoudre cette énigme, pour notre profit à tous. »





Les nouvelles culpabilités

La plupart des religions prônent le pardon. Beaucoup jouent aussi à fond la carte de la culpabilité. Nos deux psychothérapeutes admettent qu’en la matière, l’Eglise catholique a battu tous les records. Mais elles soulignent aussi que les sociétés laïques actuelles nous culpabilisent tout autant. Sur d’autres registres. « Aujourd’hui, rappelle Catherine Aimelet-Périssol, nous nous sentons nuls si nous ne sommes pas performants, compétitifs, excellents, branchés sur toutes les nouveautés – le don d’ubiquité nous serait nécessaire ! Il faut être beau et en pleine forme en permanence. C’est étouffant. Mais la majorité d’entre nous accepte cette forme nouvelle de maltraitance. »

Anne-Catherine Sabas renchérit : « Une colère contre nous-même nous habite en permanence parce que nous ne parvenons pas à ressembler à l’image que nous renvoient les médias. Si nous nous fichions un peu la paix et prenions conscience de toute l’énergie que nous dépensons pour ressembler à ces images inaccessibles que l’idéologie marchande exige de nous, nous nous porterions beaucoup mieux. Pour pardonner aux autres, il faut d’abord se pardonner à soi-même, notamment de ne pas correspondre à la soi-disant personne idéale de la publicité. C’est un pas essentiel vers le bonheur : accepter son imperfection, sa finitude, son humanité. Qui que l’on soit, il faut s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres tels qu’ils sont. »

Serons-nous alors enfin libres ? Là aussi, rien n’est simple. La détestation (de l’autre ou de soi-même) remplit une fonction. Elle nous fait agir, remplit un vide. Elle sert même à bâtir notre moi moral : « Un enfant qui ne connaîtrait jamais la culpabilité ne pourrait pas apprendre que, pour devenir humain, il y a des limites à ne pas franchir, note Catherine Aimelet-Périssol. Il grandirait dans un sentiment de toute-puissance. Les êtres qui ignorent totalement la culpabilité sont des monstres. A l’inverse, ceux qui se sentent coupables de tout les rejoignent dans la mégalomanie, puisqu’ils se sentent à l’origine de l’univers entier. Tout l’enjeu de l’éducation morale est justement de faire ressentir à l’enfant qu’il doit se sentir coupable de certaines choses – comme d’avoir poussé son petit frère par terre – mais pas de tout – par exemple, pas du fait que sa maman est triste. Et quand il est effectivement coupable, lui indiquer comment réparer sa faute (en demandant pardon au petit frère et en l’embrassant) précisément pour pouvoir s’en alléger. Il y a donc de bonnes et de mauvaises culpabilités. »

* Anne-Catherine Sabas est l’auteure de « Libérez-vous par le pardon »

(Bussière, 2012).

** Catherine Aimelet-Périssol a publié « Apprivoiser sa culpabilité »

(avec Aurore Aimelet, Albin Michel, 2013).

Libérons-nous de nos colères et culpabilités

par Patrice van Eersel , claire Steinlen

Illustration : Ward Schumaker pour CLES.

12351

Pardonner aux autres et à soi-même est un pas vers le bonheur. Deux psys nous expliquent comment cesser de ruminer.

S’il est une catégorie de « valises » que nous avons tendance à trimballer notre vie durant, c’est bien celle des reproches. Ceux que nous adressons aux autres… et à nous-mêmes. Que de colères, de griefs, de regrets et de remords nous ruminons en notre for intérieur, parfois pendant des années ! Apprendre à s’en libérer est une clé essentielle. Mais pardonner ou s’alléger de sa culpabilité ne va pas de soi. La première illusion à dissiper est celle de la facilité : on ne s’allège pas du poids des reproches en les effaçant d’un coup d’éponge sur son tableau noir intime, c’est-à-dire en les fuyant, mais paradoxalement en plongeant dedans. C’est un travail quasiment initiatique que deux psychothérapeutes, Anne-Catherine Sabas * et Catherine Aimelet-Périssol **, nous aident à mener.

« Dans bien des cas, avant de pouvoir pardonner, il faut réussir à accéder à sa colère, c’est-à-dire à identifier celle-ci, prévient Anne-Catherine Sabas. C’est parfois un gros travail. D’autant moins évident que, souvent, cette colère rentrée, plus ou moins confuse, nous sert inconsciemment de moteur pour avancer et nous battre. Pardonner à celui ou celle qui nous a blessé va donc nous conduire à renoncer à ce moteur. Notre inconscient le sait et peut paradoxalement bloquer le processus pour ne pas se retrouver face à un vide. »

Ressentir la faute, respirer

Il est tout aussi difficile d’apprendre à s’affranchir de sa culpabilité et de retrouver la légèreté : « Il faut d’abord ressentir cette faute que l’on est censé avoir commise, avec le plus de force possible, insiste Catherine Aimelet-­Périssol. La vivre intensément, en pleine conscience, dans son corps. On contacte alors sa propre faiblesse, sa vulnérabilité, son impuissance. Il ne s’agit pas de ressentir la faute morale, mais la faute sensorielle, la douleur physique. Exemple tout simple : mon patron me convoque à une réunion à l’heure où je suis censée retrouver mon fils. Quoi que je fasse, je me sentirai coupable. Un début de solution consiste à prendre ma respiration et à me concentrer cinq minutes sur ce que mon corps ressent. Si je ralentis un instant le mouvement et contacte mon ressenti, je m’offre la possibilité d’un choix : que dire à mon patron, ou à mon fils, pour expliquer calmement ma situation ? Cela va m’aider à dédramatiser et donc à m’alléger, alors que la précipitation n’aurait fait qu’attiser le sentiment de culpabilité. »

Y a-t-il de bonnes et de mauvaises haines ? « Une chose est sûre, répond Anne-Catherine Sabas, on ne peut pas tout pardonner. Quand Hannah Arendt observe Eichmann à son procès, elle parvient à décrypter le mécanisme du “mal banal”, celui du petit fonctionnaire obéissant bureaucratiquement aux ordres sadiques, et cela la libère d’une énigme monstrueuse. Elle ne peut cependant pas lui pardonner. Son corps s’y refuse. Mais elle a en quelque sorte rompu le maléfice. Sa haine du bourreau lui a donné la force de le poursuivre malgré son dégoût, pour finalement résoudre cette énigme, pour notre profit à tous. »





Les nouvelles culpabilités

La plupart des religions prônent le pardon. Beaucoup jouent aussi à fond la carte de la culpabilité. Nos deux psychothérapeutes admettent qu’en la matière, l’Eglise catholique a battu tous les records. Mais elles soulignent aussi que les sociétés laïques actuelles nous culpabilisent tout autant. Sur d’autres registres. « Aujourd’hui, rappelle Catherine Aimelet-Périssol, nous nous sentons nuls si nous ne sommes pas performants, compétitifs, excellents, branchés sur toutes les nouveautés – le don d’ubiquité nous serait nécessaire ! Il faut être beau et en pleine forme en permanence. C’est étouffant. Mais la majorité d’entre nous accepte cette forme nouvelle de maltraitance. »

Anne-Catherine Sabas renchérit : « Une colère contre nous-même nous habite en permanence parce que nous ne parvenons pas à ressembler à l’image que nous renvoient les médias. Si nous nous fichions un peu la paix et prenions conscience de toute l’énergie que nous dépensons pour ressembler à ces images inaccessibles que l’idéologie marchande exige de nous, nous nous porterions beaucoup mieux. Pour pardonner aux autres, il faut d’abord se pardonner à soi-même, notamment de ne pas correspondre à la soi-disant personne idéale de la publicité. C’est un pas essentiel vers le bonheur : accepter son imperfection, sa finitude, son humanité. Qui que l’on soit, il faut s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres tels qu’ils sont. »

Serons-nous alors enfin libres ? Là aussi, rien n’est simple. La détestation (de l’autre ou de soi-même) remplit une fonction. Elle nous fait agir, remplit un vide. Elle sert même à bâtir notre moi moral : « Un enfant qui ne connaîtrait jamais la culpabilité ne pourrait pas apprendre que, pour devenir humain, il y a des limites à ne pas franchir, note Catherine Aimelet-Périssol. Il grandirait dans un sentiment de toute-puissance. Les êtres qui ignorent totalement la culpabilité sont des monstres. A l’inverse, ceux qui se sentent coupables de tout les rejoignent dans la mégalomanie, puisqu’ils se sentent à l’origine de l’univers entier. Tout l’enjeu de l’éducation morale est justement de faire ressentir à l’enfant qu’il doit se sentir coupable de certaines choses – comme d’avoir poussé son petit frère par terre – mais pas de tout – par exemple, pas du fait que sa maman est triste. Et quand il est effectivement coupable, lui indiquer comment réparer sa faute (en demandant pardon au petit frère et en l’embrassant) précisément pour pouvoir s’en alléger. Il y a donc de bonnes et de mauvaises culpabilités. »

* Anne-Catherine Sabas est l’auteure de « Libérez-vous par le pardon »

(Bussière, 2012).

** Catherine Aimelet-Périssol a publié « Apprivoiser sa culpabilité »

(avec Aurore Aimelet, Albin Michel, 2013).

Libérons-nous de nos colères et culpabilités

par Patrice van Eersel , claire Steinlen

Illustration : Ward Schumaker pour CLES.

12351

Pardonner aux autres et à soi-même est un pas vers le bonheur. Deux psys nous expliquent comment cesser de ruminer.

S’il est une catégorie de « valises » que nous avons tendance à trimballer notre vie durant, c’est bien celle des reproches. Ceux que nous adressons aux autres… et à nous-mêmes. Que de colères, de griefs, de regrets et de remords nous ruminons en notre for intérieur, parfois pendant des années ! Apprendre à s’en libérer est une clé essentielle. Mais pardonner ou s’alléger de sa culpabilité ne va pas de soi. La première illusion à dissiper est celle de la facilité : on ne s’allège pas du poids des reproches en les effaçant d’un coup d’éponge sur son tableau noir intime, c’est-à-dire en les fuyant, mais paradoxalement en plongeant dedans. C’est un travail quasiment initiatique que deux psychothérapeutes, Anne-Catherine Sabas * et Catherine Aimelet-Périssol **, nous aident à mener.

« Dans bien des cas, avant de pouvoir pardonner, il faut réussir à accéder à sa colère, c’est-à-dire à identifier celle-ci, prévient Anne-Catherine Sabas. C’est parfois un gros travail. D’autant moins évident que, souvent, cette colère rentrée, plus ou moins confuse, nous sert inconsciemment de moteur pour avancer et nous battre. Pardonner à celui ou celle qui nous a blessé va donc nous conduire à renoncer à ce moteur. Notre inconscient le sait et peut paradoxalement bloquer le processus pour ne pas se retrouver face à un vide. »

Ressentir la faute, respirer

Il est tout aussi difficile d’apprendre à s’affranchir de sa culpabilité et de retrouver la légèreté : « Il faut d’abord ressentir cette faute que l’on est censé avoir commise, avec le plus de force possible, insiste Catherine Aimelet-­Périssol. La vivre intensément, en pleine conscience, dans son corps. On contacte alors sa propre faiblesse, sa vulnérabilité, son impuissance. Il ne s’agit pas de ressentir la faute morale, mais la faute sensorielle, la douleur physique. Exemple tout simple : mon patron me convoque à une réunion à l’heure où je suis censée retrouver mon fils. Quoi que je fasse, je me sentirai coupable. Un début de solution consiste à prendre ma respiration et à me concentrer cinq minutes sur ce que mon corps ressent. Si je ralentis un instant le mouvement et contacte mon ressenti, je m’offre la possibilité d’un choix : que dire à mon patron, ou à mon fils, pour expliquer calmement ma situation ? Cela va m’aider à dédramatiser et donc à m’alléger, alors que la précipitation n’aurait fait qu’attiser le sentiment de culpabilité. »

Y a-t-il de bonnes et de mauvaises haines ? « Une chose est sûre, répond Anne-Catherine Sabas, on ne peut pas tout pardonner. Quand Hannah Arendt observe Eichmann à son procès, elle parvient à décrypter le mécanisme du “mal banal”, celui du petit fonctionnaire obéissant bureaucratiquement aux ordres sadiques, et cela la libère d’une énigme monstrueuse. Elle ne peut cependant pas lui pardonner. Son corps s’y refuse. Mais elle a en quelque sorte rompu le maléfice. Sa haine du bourreau lui a donné la force de le poursuivre malgré son dégoût, pour finalement résoudre cette énigme, pour notre profit à tous. »





Les nouvelles culpabilités

La plupart des religions prônent le pardon. Beaucoup jouent aussi à fond la carte de la culpabilité. Nos deux psychothérapeutes admettent qu’en la matière, l’Eglise catholique a battu tous les records. Mais elles soulignent aussi que les sociétés laïques actuelles nous culpabilisent tout autant. Sur d’autres registres. « Aujourd’hui, rappelle Catherine Aimelet-Périssol, nous nous sentons nuls si nous ne sommes pas performants, compétitifs, excellents, branchés sur toutes les nouveautés – le don d’ubiquité nous serait nécessaire ! Il faut être beau et en pleine forme en permanence. C’est étouffant. Mais la majorité d’entre nous accepte cette forme nouvelle de maltraitance. »

Anne-Catherine Sabas renchérit : « Une colère contre nous-même nous habite en permanence parce que nous ne parvenons pas à ressembler à l’image que nous renvoient les médias. Si nous nous fichions un peu la paix et prenions conscience de toute l’énergie que nous dépensons pour ressembler à ces images inaccessibles que l’idéologie marchande exige de nous, nous nous porterions beaucoup mieux. Pour pardonner aux autres, il faut d’abord se pardonner à soi-même, notamment de ne pas correspondre à la soi-disant personne idéale de la publicité. C’est un pas essentiel vers le bonheur : accepter son imperfection, sa finitude, son humanité. Qui que l’on soit, il faut s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres tels qu’ils sont. »

Serons-nous alors enfin libres ? Là aussi, rien n’est simple. La détestation (de l’autre ou de soi-même) remplit une fonction. Elle nous fait agir, remplit un vide. Elle sert même à bâtir notre moi moral : « Un enfant qui ne connaîtrait jamais la culpabilité ne pourrait pas apprendre que, pour devenir humain, il y a des limites à ne pas franchir, note Catherine Aimelet-Périssol. Il grandirait dans un sentiment de toute-puissance. Les êtres qui ignorent totalement la culpabilité sont des monstres. A l’inverse, ceux qui se sentent coupables de tout les rejoignent dans la mégalomanie, puisqu’ils se sentent à l’origine de l’univers entier. Tout l’enjeu de l’éducation morale est justement de faire ressentir à l’enfant qu’il doit se sentir coupable de certaines choses – comme d’avoir poussé son petit frère par terre – mais pas de tout – par exemple, pas du fait que sa maman est triste. Et quand il est effectivement coupable, lui indiquer comment réparer sa faute (en demandant pardon au petit frère et en l’embrassant) précisément pour pouvoir s’en alléger. Il y a donc de bonnes et de mauvaises culpabilités. »

* Anne-Catherine Sabas est l’auteure de « Libérez-vous par le pardon »

(Bussière, 2012).

** Catherine Aimelet-Périssol a publié « Apprivoiser sa culpabilité »

(avec Aurore Aimelet, Albin Michel, 2013).

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